Les pierres précieuses

Savez-vous de quoi sont faites les pierres précieuses que l'on recherche avec tant d'avidité et qui excitent tant d'admirations et de jalousies ? Passons-les en revue.
Le diamant, le roi des joyaux ; ce n'est que du pur carbone : le dernier effort, l'idéalisation, l'évolution suprême du charbon, comme qui dirait le papillon sorti de la chrysalide, la réalisation de la plus haute perfection d'un corps que nous jetons tous les jours par pelletées dans notre foyer.
Le rubis, le rubis flamboyant, et à ses côtés le saphir, la topaze, autant de rubis de couleurs différentes. Que sont-ils ? Des cristallisations de la plus commune terre argileuse, de cette argile dont nous faisons des pots, des pipes, des tuiles, - de simples morceaux d'alumine. Dans 100 grains du plus beau saphir bleu, il y a 92 grains d'alumine pure, et un grain de fer.
L'améthyste est un silicate, autrement dit un caillou, 100 grains d'améthyste en contiennent 98 de pur silex, de cette même pierre à fusil avec laquelle on battait jadis le briquet avant que l'on fît usage des allumettes phosphoriques.
Silice aussi la cornaline, l'oeil de chat, le cristal de roche, le jaspe, l'opale. 100 grains d'opale contiennent 90 parties de pure silice et 10 d'eau, et c'est l'eau qui donne à la pierre ses merveilleuses irisations.
Le grenat, la topaze du Brésil, le béryl ou l'émeraude sont des composés de silice et d'alumine avec un peu de glycine. L'hyacinthe est en grande partie du zirconium ; le chrysolite est un pur silicate de magnésie.
Sans carbone de cuivre il n'y aurait pas de malachite, comme sans carbone de chaux point de marbre de Carrare.
La turquoise n'est que du phosphate d'alumine coloré en bleu par le sulfure de sodium.
Les savants ont longtemps cherché à fabriquer artificiellement des pierres précieuses ; on a commencé par se moquer d'eux, comme on se moque de toutes les recherches de la science, tant qu'elles ne donnent pas de résultats pratiques. Aujourd'hui on accueille ces travaux avec moins de scepticisme et de mépris. Les diamants artificiels sont devenus de vente courante. Les rubis artificiels dont vient de s'occuper un illustre chimiste, M. Frémy, leur feront bientôt concurrence, et l'on peut prédire qu'au XXe siècle la plus modeste bergère aura son écrin de pierreries comme une reine d'Orient.

V. LEHOLLE (article écrit en décembre 1890)