Le Bandeau - Paris 21 mars 1916
Ce livre était écrit -et illustré- avant la guerre des nations. Une rafale d'évènements mondiaux força l'auteur à garder, pour plus tard, une histoire très joyeuse, à l'heure où tant d'épouses et de mères pleuraient, mais voyaient, dans leurs angoisses, grandir leurs maris et leurs fils à mesure qu'ils s'éloignaient.
Cafés et restaurants étaient tenus de clore leurs portes à huit heures. Un livre ne pouvait inciter à se distraire de la tempête européenne ceux que les pouvoirs publics voulaient moroses et attristés.
Mais, aujourd'hui, -deuxième renouveau de la Guerre- les théâtres sont rouverts, les cinémas font salle combles ; et tout le monde réclame des livres nouveaux à lire, le soir, quand Paris est obscur et si tranquilles sous la menace des Zeppelins, sous leur pluie de bombes, par-ci, par-là, en 1916. Même les soldats, surtout ceux du front, les gardiens des remparts souterrains, dans les cantonnements et les tranchées, demandent, non pas des livres de guerre, - des livres gais.
La gaîté donne du courage - la gaîté, quand même, - déride les fronts, fait croire à la victoire. Oui, les vaillants, tandis qu'ils se reposent entre deux combats, les blessés et les malades, soignés dans les hôpitaux temporaires, en attendant de pouvoir repartir au front de bonne humeur, d'amour et de rire, leur faisant oublier les souffrances endurées.
Il sourit, ce roman, le Bandeau -dont le jeune éditeur est le lieutenant Mignot, blessé, décoré de la croix de guerre- il sourit, dans la bataille, A LA VICTOIRE. Oui, il sourit comme le criait à ses hommes un officier à qui on venait de donner l'ordre d'enlever, sous la mitraille, un pont à l'ennemi, coûte que coûte :
- En avant, les gars ! Pour vaincre ou mourir !...(Levant son sabre pour l'attaque)... Et maintenant, le sourire !
Alors, sourions, - malgré le cataclysme de fer, de feu, de sang, de meurtres, d'assassinats, de viols, d'incendies, de pillage, malgré l'ouragan de sauvageries qui bouleverse, sabote, dépeuple l'Europe, malgré les bombes sur Paris, sur des civils, des femmes, des enfants - et parlons d'autre chose. C'est une manière, courageuse peut-être, quand la main-d'oeuvre est bien plus chère, quand les fabricants de papier augmentent leurs prix de cent pour cent, de "tenir" à l'arrière, de faire aussi son devoir civil, par la Renaissance du Livre, en publiant un volume luxueux, au prix ordinaire, oui, ne coûtant pas plus cher que les livres sans toilette et sans goût, quelconques ou tristes, - et cela pour la reprise, quand même, de la vie régulière à laquelle devraient s'appliquer, sans majorations injustifiées, sans bénéfices honteux, sans profits coupables, les tentatives de chacun et l'effort de tous.