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25 avril 2011

Une inondation dans les Pyrénées

num_risation_avril_004En 1818, vers la mi-octobre, une pluie vive et serrée tomba pendant huit jours consécutifs sur la ville de Limoux. Néanmoins l'Aude avait à peine monté ; mais le neuvième jour, dès huit heures du matin, le fleuve s'enfla rapidement.
Les observateurs placés sur les deux ponts remarquèrent vers le nord, aussi loin que leur vue pouvait s'étendre, des légions innombrables d'hirondelles planant au-dessus des eaux ; effrayées sans doute par le ciel nuageux et menaçant, elles s'arrêtaient, surprises de ne plus trouver ce soleil bienfaisant du Midi, qui leur servait d'étape, avant de franchir les Pyrénées.
Quelques minutes avant le grand cataclysme, toutes ces myriades d'hirondelles disparurent simultanément, comme par un coup de baguette, sous l'épais manteau de brume qui enveloppait la ville.
Le ciel ouvrit alors toutes ses cataractes, le tonnerre gronda et fit retentir tous les échos de la vallée ; des éclairs longs et éblouissants sillonnaient tous les points du ciel, la rivière, emportant sur ses vagues géantes des meubles et des troncs d'arbres déracinés, des boeufs et des chevaux surpris à leurs attelages, mêlait sa voix lugubre et solennelle aux mugissements de la tempête et aux tristes beuglements des animaux.
Quelques sapins, poussés en travers des arches, arrêtèrent les débris qui se succédaient sans interruption ; autour de ceux-ci d'autres s'amoncelèrent, et bientôt il se forma une digue puissante, contre laquelle les vagues se heurtèrent refoulées et furieuses ; alors elles franchirent d'un bond les quais, et envahirent, en grondant, les deux rues parallèles au lit de la rivière, roulant avec elles les poutres et les madriers, arrachant les angles des maisons, ployant comme un fil d'archal les arcs-boutants de fer, et pénétrant dans les habitations, telles qu'une soldatesque effrénée dans une ville livrée au pillage.
L'église de Saint-Martin, dans laquelle un peuple nombreux s'était réfugié, vit ses portes enfoncées ; prêtres et peuple avaient à peine gagné le clocher, que les flots pénétraient dans le sanctuaire. Déjà la fureur du fleuve ne rencontre plus d'obstacles : le pont de César, qui seul a supporté le choc, se montre digne de son antique renommée, en étalant avec orgueil ses piles découronnées de leurs parapets modernes. La haute galerie du clocher, les toits des maisons sont couverts d'hommes, de femmes et d'enfants, dans l'attitude du désespoir. Autour d'eux, les maisons, à mesure que les eaux les abandonnent, croulent avec fracas, jetant leur poussière séculaire dans l'atmosphère humide, et montrant à nu leurs flancs hérissés de charpentes brisées, leurs pans de mur sillonnés de suie. Le soleil, déchirant tout à coup le voile épais de l'horizon, inonde d'une fantastique et sanglante lueur cette scène de désolation. Au-dessous du vieux pont, une immense maison ébranlée déjà chancelle sur sa base ; un pan de muraille s'en détache aussitôt et laisse voir, penché sur le lit de douleur de sa vieille mère, un jeune homme aux traits pâles et amaigris. "Fuis, mon fils !" s'écriait sans doute la pauvre agonisante ; mais lui l'étreint dans ses bras et fait des efforts pour l'emporter : ses forces défaillent, au même instant le reste de l'édifice croule et les entraîne, ainsi enlacés, dans le gouffre ; la mère ne reparaît plus ; lui, par un jeu cruel du hasard, tomba les deux jambes enfoncées dans un fragment de planches qui les retenait serrées comme dans un étau. En vain quelques hommes généreux courent sur le pont pour lui jeter une corde. Vite, vite; le voici, il les voit, son bras se lève. Il va toucher la corde qui lui est tendue, mais son front heurte violemment contre l'angle au pont, son sang coule ; qu'importe, il ne veut pas mourir, le secours est si près ! il saisit convulsivement des ses deux mains l'angle de la pile... une seconde encore, et il est sauvé. Malheur ! la vague l'enlève comme une plume légère emportée par le vent. Un faible cri, deux bras raides, une tête sanglante qui se rejette violemment en arrière, telle fut la rapide et terrible apparition qui glaça les spectateurs
Après la mère et le fils, le fleuve dévore encore trois victimes, et ce fut tout ; puis il retomba dans son lit aussi brusquement qu'il l'avait quitté, laissant la ville couverte de ruines, d'écume et de vase.
Le lendemain le beau ciel du Midi avait repris sa sérénité ; on trouva le cadavre de l'infortuné jeune homme encore attaché au fatal radeau, au pied d'un jeune saule que l'orage avait reverdi.

L. AMIEL

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Commentaires
F
C'est ce qu'on appelerait vraiment un temps plus que POURRI!! et ça devenait en plus dangereux!!
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S
Salut<br /> <br /> Depuis, la zone a-t-elle été sécurisé contre les inondations ?<br /> <br /> Bonne nuit
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