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Le blog du passé
6 novembre 2010

Mystifications

Le joyeux Méry fut le grand mystificateur de la période romantique. La première représentation de Lucrèce Borgia ne se passa pas sans vifs incidents entre les poètes classiques glabres et les poètes chevelus, admirateurs de Victor Hugo, qui bataillèrent héroïquement, pour ou contre une épithète, ou un hémistiche.
"Du vin de Syracuse ! Quelle folie ! maugréait un critique de la Quotidienne. On n'a jamais parlé de vin de Syracuse !...
- Parbleu ! fit Méry qui passait, je gage que, sur-le-champ, je vous en fais boire !"
Et, pendant que Gérard de Nerval, averti, allait faire le nécessaire, Méry rassembla quelques feuilletonistes incrédules et descendit avec eux jusqu'au café du théâtre.
"Une bouteille de vin de Syracuse ? commenda-t-il gravement.
- Voilà, monsieur, voilà !" répondit le garçon imperturbable.
Un instant après, sans remarquer le sourire narquois de Gérard de Nerval, l'aéropage absorbait, à la santé de Victor Hugo... une bouteille de vin de grenache, fabriqué par un pharmacien de boulevard.
Le lundi suivant, un concert d'éloges retentissait dans la presse : la troupe des critiques payait sa gageure perdue.
L'histoire du vin de Syracuse n'est qu'une des nombreuses plaisanteries que Méry fit à ses contemporains. L'une des plus extraordinaires eut pour véhicule - si l'on peut dire - les journaux marseillais.
Un jour, dans le Messager, paraît un article d'archéologie très documenté et signé Marcredati, à propos d'un sarcophage trouvé par l'auteur à Saint-Jean-du-Gargnier. Le lendemain, dans le Mistral, un M. Biffi attaque violemment l'archéologue, qu'il traite d'imposteur. Tout Marseille, toute la Provence sont émus par la polémique ; la police elle-même s'inquiète du bruit que font ces deux savants.
Sur ces entrefaites, le Messager annonce, subitement, la mort de M. Marcredati, et publie une chronique nécrologique sur le défunt, signée Néroni, qui met le comble à l'émotion générale jusqu'au point de faire prononcer l'éloge funèbre du mort à l'Académie des Arcades de Rome.
Et voilà que le public, stupéfait et mortifié, apprend alors que les trois italiens : Marcredati, Biffi et Néroni ne font qu'un seul et même joyeux Méry.

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