Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Le blog du passé
18 juin 2008

Dépositaire infidèle

Vers le milieu du XVIIIe siècle, certain clerc ou basochien originaire de Lyon, étant venu à Paris pour y acheter une charge, déposa cinquante mille livres entre les mains d'un ami. Son affaire terminée, au moment d'effectuer le payement de la charge, il alla redemander le dépôt qu'il avait confié ; mais l'indigne ami fit l'étonné, déclara et soutint qu'il n'avait rien reçu.
On juge du désespoir du pauvre provincial. Que faire ? A qui recourir ?
Il demanda une audience au lieutenant-générallieutenant-général de police, qui était alors M. de Sartine, et lui exposa sa fâcheuse mésaventure.
"Et vous ne vous êtes fait délivrer aucun reçu d'une somme aussi importante ?
- Hélas ! non. J'avais confiance... Pouvais-je me méfier d'un intime ami, d'un vieux camarade de collège !...
- En sorte que la chose s'est passée entre vous deux, sans témoins ? reprit M. de Sartine.
- Pardon : la femme de mon ami... de mon faux ami, veux-je dire... était présente.
- Ah ! bien ! vous n'étiez pas tous les deux seuls ; il y avait un tiers."
Et M. de Sartine, après un instant de réflexion, invita le clerc à passer dans une pièce voisine et à l'y attendre. Puis aussitôt il envoya chercher l'infidèle dépositaire.
Dès que celui-ci fut arrivé, le magistrat lui dit :
"Un rapport de police vient de m'informer que vous aviez reçu un dépôt de cinquante mille livres...
- Erreur, monsieur le lieutenant-générallieutenant-général ! Je n'ai rien reçu, interrompit soudain et avec une extrême animation le nouveau venu.
- Rien ? Un de vos amis d'enfance ne vous a pas confié il y a quelques jours, dès son arrivée à Paris, une somme de cinquante mille livres ?
- C'est une abominable mystification ! Je suis victime d'un halluciné, d'un fou...
- Soit ! concéda M. de Sartine. Il ne vous sera pas difficile, d'ailleurs, de vous disculper pleinement... Vous n'avez qu'à écrire à votre femme, qui, paraît-il, a été témoin du dépôt, la lettre que je vais vous dicter... Allons, asseyez-vous là, et écrivez."
Il fallut obéir.
"Ma chère ami, - dicta M. de Sartine, - je te prie de remettre au porteur de cette lettre la somme de cinquante mille livres, que j'ai reçue, l'autre jour, devant toi, de mon ami X..."
Le billet écrit, M. de Sartine l'envoya porter à destination par un de ses secrétaires, qui ne tarda pas à revenir avec la susdite somme.
Convaincu de sa fourberie, le traître se jeta aux genoux du magistrat, qui lui adressa une sévère réprimande. Pour achever de le couvrir de confusion, M. de Sartine fit apparaître son ami X..., le trop confiant basochien, à qui il remit ses cinquante mille livres et adressa cette double recommandation :
"A l'avenir, jeune homme, faites-vous toujours délivrer des reçus des sommes que vous versez en dépôt, et choisissez mieux vos amis !"

Publicité
Publicité
Commentaires
Le blog du passé
Publicité
Archives
Le blog du passé
Newsletter
Derniers commentaires
Visiteurs
Depuis la création 449 860
Publicité