Centons
Ces centons ne doivent pas être confondus avec les SANTONS des crèches provençales.
Dans la Rome Impériale, on appelait CENTON les morceaux de tissu dépareillés que les légionnaires cousaient l'un à l'autre afin de se fabriquer un sous-vêtement qui leur tînt chaud l'hiver sous la cuirasse de métal. Par analogie, on nomma CENTON un jeu littéraire, fort en vogue dans le passé, qui consistait à composer un poème original en partant de vers "empruntés" à l'oeuvre de poètes différents.
Armez-vous d'une anthologie et amusez-vous à fabriquer ce genre de patchwork poétique. Voici un exemple :
Les beaux étés sans toi
Regarde ! Je viens seul m'asseoir sur cette pierre (1)
Où jadis, pour m'entendre, elle aimait à s'asseoir (2)
Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir (3)
L'air est parfois si doux qu'on ferme les paupières. (4)
Il est d'étranges soirs où les fleurs ont une âme (5)
Embaumant les jardins et les arbres d'odeurs. (6)
Tout commence en ce monde et tout finit ailleurs (2)
D'autres vont maintenant passer où nous passâmes. (2)
Aux regards d'un mourant, le soleil est si beau (7)
Les beaux étés sans toi, c'est la nuit sans flambeau (8)
Que ne m'est-il permis d'errer parmi les ombres ? (9)
Maintenant, ô mon Dieu, que j'ai ce calme sombre (10)
Il n'est rien de commun entre la terre et moi (11)
Hélas ! en te perdant, j'ai perdu plus que toi ! (12)
1 - Lamartine, Le Lac
2 - Hugo, Tristesse d'Olympio
3 - Baudelaire, Harmonie du soir
4 - Rimbaud, Roman
5 - Albert Samain, Il est d'étranges soirs
6 - Ronsard, Comme on voit sur la branche
7 - Marceline Desbordes-Valmore, Les Séparés
8 - Lamartine, l'Automne
9 - La Fontaine, Adonis
10 - Lamartine, L'Isolement
11 - Hugo, A Villequier
12 - Boileau, A Iris